Tout d’abord, qu’est-ce que la « Santé sexuelle » ? En réponse à cette question, voici ce qu’en disait le Dr Jean-Yves Desjardins : « La santé sexuelle se définit comme un état d’intégration, d’interaction et d’harmonisation des différentes composantes de la sexualité. »
Santé sexuelle
Le Dr Desjardins a défini cinq composantes majeures possédant chacune ses propres sous-composantes. Elles sont en continuelles interactions et influencent, à des degrés divers, nos attitudes, nos comportements et nos réactions sexuels, individuellement et sur le plan relationnel.
Voici ces cinq composantes du modèle de santé sexuelle
Les composantes fondamentales : dont les éléments sont le sexe chromosomique, le sexe gonadique, le sexe phénotypique, le réflexe de vasocongestion génitale et les archétypes sexuels.
Les composantes physiologiques : en font partie l’excitation génitale, les sources d’excitation génitale, les modes d’excitation sexuelle et les courbes qui les accompagnent. Ces notions permettent d’en comprendre les subtilités et de différencier l’excitation sexuelle et du plaisir sexuel, que l’on confond trop souvent.
Les composantes cognitives : il s’agit de nos connaissances sexologiques, de nos croyances, de nos idéologies et de nos jugements de valeur. C’est ce que nous appelons notre système de pensées.
Les composantes sexodynamiques personnelles : ces composantes se rapportent à l’identité de genre, au plaisir sexuel, au désir sexuel, à l’imaginaire érotique, aux codes d’attraction sexuelle, à l’intensité émotionnelle sexuelle et à l’assertivité sexuelle
Les composantes relationnelles : celles-ci comprennent la communication érotique et amoureuse, ainsi que toutes formes de communication susceptibles d’influencer le climat relationnel et donc, sexuel. Elles comprennent également le sentiment amoureux, la séduction et les compétences érotiques.
À la lumière de ces composantes, les problèmes sexuels dont souffrent les hommes et les femmes, individuellement ou en couple, trouvent obligatoirement leurs sources dans un ou plusieurs des éléments qui viennent d’être exposés. C’est pourquoi il est nécessaire de les évaluer lorsque l’on vise l’harmonisation de la vie sexuelle des individus, afin d’intervenir adéquatement, sans détour inutile.
L’approche Sexocorporelle
Parlons maintenant de l’Approche « Sexocorporelle » qui est tout d’abord une approche thérapeutique consistant à faire intervenir le corps lors d’une sexothérapie.
Les origines de cette approche
Le Dr Jean-Yves Desjardins, psychologue, et le Dr Claude Crépault, criminologue, sont les pionniers de la sexologie au Québec. Cette discipline universitaire n’existait pas avant 1968, année de la fondation de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Les Drs Desjardins et Crépault ont conçu les bases d’un module de sexologie qui allait devenir le premier Département de sexologie au monde.
La sexologie a pour but de comprendre la sexualité, de l’étudier et d’aider les hommes, les femmes et les couples dans leurs difficultés sexuelles et affectives, individuelles et relationnelles.
Le Dr Desjardins disait qu’on ne fait pas l’amour seulement avec nos sentiments, mais aussi avec notre corps. Il a donc toujours tenu compte de la participation du corps dans la plupart des problématiques sexuelles à résoudre. Lorsqu’il parlait du corps, il faisait référence à notre corps en trois dimensions, mais aussi à notre corps cognitif et notre corps émotionnel. L’un des fondements de base de l’approche Sexocorporelle est « l’unicité fondamental corps-cerveau cerveau-corps ». En d’autres mots, notre corps explicite (que l’on peut observer) et notre corps implicite (ce qui se passe à l’intérieur de nous, au niveau de nos cognitions et de nos émotions) ne font qu’un seul corps. Donc, lorsque l’on propose différents exercices au corps explicite, cela se répercute également au niveau du corps implicite.
C’est à partir de ces prémices qu’est née l’approche Sexocorporelle, qui est maintenant enseignée dans plusieurs pays du monde et plus particulièrement en Europe.
Rôle de l’approche Sexocorporelle dans la Santé sexuelle
Cette approche a pour but d’apporter une compréhension approfondie du fonctionnement sexuel d’une personne, afin de l’aider ensuite à améliorer la qualité de son excitation sexuelle et du plaisir sexuel qui l’accompagne.
L’approche Sexocorporelle a répertorié différents modes d’excitation sexuelle afin de mieux comprendre comment une personne a appris à s’exciter et comment elle s’y prend pour faire naitre et augmenter cette excitation jusqu’au point de non-retour et à la décharge orgastique. Certains modes d’excitation sexuelle favorisent le plaisir et la volupté sexuels, alors que d’autres se vivent dans un corps trop tendu pour permettre une expression émotionnelle.
Toutefois, en modifiant sa courbe excitatoire, il devient possible d’accroître la perception de ses jouissances et d’élargir son champ de conscience en y intégrant des émotions positives. Pour y arriver, il est parfois nécessaire de faire l’apprentissage de différentes habiletés corporelles, car elles ne sont pas innées. Si certaines personnes les intègrent rapidement, d’autres doivent y consacrer un peu plus d’efforts. Mais en général, tout le monde y parvient. Ces apprentissages et habiletés sont possibles grâce aux lois universelles du corps qui sont : l’espace interne par la respiration, l’espace externe par les mouvements, l’intensité musculaire et le rythme.
Les habiletés corporelles
Ces habiletés consistent à savoir diffuser, canaliser et gérer son excitation sexuelle. Elles aident aussi pour le lâcher-prise et l’atteinte du point de non-retour qui mène à la décharge orgastique. Une habileté proposée par l’approche Sexocorporelle permet de canaliser l’excitation sexuelle dans un corps confortable et souple afin d’atteindre l’orgasme. Il s’agit de la « double bascule ».
Ce mouvement consiste à harmoniser deux bascules, l’une au niveau du bassin et l’autre dans le haut du corps, y compris la bascule de la tête. Il inclut une respiration ample et fluide qui harmonise le mouvement. Sur le plan émotionnel, savoir canaliser son excitation par la double bascule permet de goûter la volupté puisque la souplesse du corps favorise le confort et un vécu émotionnel positif.
La « double bascule »
La « double bascule » est un mouvement de base que les femmes et les hommes peuvent apprendre et inclure dans leurs relations sexuelles. Ce mouvement implique le bassin, les épaules et la tête. C’est un mouvement qui est déjà présent lorsque l’on est couché et que l’on tousse ou que l’on rit aux éclats. Lorsqu’elle est utilisée à bon escient et enseignée par des sexologues formés à l’approche Sexocorporelle, la double bascule peut aider à résoudre plusieurs des difficultés sexuelles féminines et masculines comme l’anorgasmie, l’éjaculation précoce, certains troubles érectiles et autres. Bien entendu, l’apprentissage du mouvement de la double-bascule s’intègre dans une sexothérapie qui tient compte de toutes les autres composantes de la sexualité. Les composantes cognitives, personnelles et relationnelles seront aussi considérées dans la résolution d’un trouble sexuel.
Résolution d’une problématique féminine via des habiletés corporelles
Voici l’exemple d’une femme qui vient consulter parce qu’elle n’a jamais eu d’orgasme. Comme mentionné précédemment, il est important d’examiner un ensemble de facteurs personnels et relationnels pour en déceler l’origine.
Si cette femme dit : « Je pense souvent à autre chose quand je fais l’amour », ou « Je voudrais tellement avoir un orgasme que je ne fais que penser à cela », ou encore « J’ai de la difficulté à me laisser aller », on constate facilement que cette femme est « dans sa tête », et non dans son corps, lorsqu’elle a une relation sexuelle. Comment pourrait-elle ressentir des sensations qui l’aideraient à « descendre de sa tête » ? C’est d’abord en étant à l’écoute de son corps. Grâce à des stimulations d’elle-même ou de son ou sa partenaire, s’éveilleront en elle des sensations d’où naitra l’excitation qui l’acheminera vers l’orgasme.
Il est parfois plus facile pour ces femmes de découvrir leurs sensations en passant d’abord par un repérage sensoriel des zones comme la tête, le dos, etc. Cela leur permet de vivre une expérience d’écoute, qu’elles appliqueront ensuite à leurs zones génitales.
L’approche Sexocorporelle propose de se centrer sur les sensations du corps, plutôt qu’une analyse cérébrale de la situation. En faisant participer son corps par différents mouvements, dont la double-bascule, cette femme pourra ressentir ses sensations, augmenter son excitation sexuelle et atteindre l’orgasme plus directement et plus rapidement.
Résolution d’une problématique masculine via des habiletés corporelles
Prenons maintenant l’exemple d’un homme qui perd son érection lorsqu’il se sent très nerveux et qui vit ce qu’on appelle « l’anxiété de performance ». C’est une situation que plusieurs hommes connaissent au moins une fois dans leur vie. Ces hommes sont dans la peur de l’échec et dans le désir de bien réussir. Or, c’est l’anticipation du plaisir et les sensations agréables et excitantes qui provoquent l’érection chez un homme. Ce n’est pas son bon vouloir ou sa volonté. En effet, l’érection n’est pas un acte volontaire, mais un réflexe qui se déclenche par des stimuli excitants.
En prendre conscience mentalement est un bon départ, puisque cela permet de comprendre les pensées négatives qui alimentent l’anxiété. Toutefois, il est généralement plus facile et plus rapide pour ces hommes de retrouver leurs érections en utilisant une approche corporelle qui facilitera la connexion avec leur corps et donc, leurs sensations. Par exemple, en faisant l’expérience du « va-et-vient » avec leur bassin et autant que possible avec une double bascule bien exécutée. En y ajoutant un imaginaire où l’homme peut ressentir les sensations agréables que lui procure son pénis, cela favorisera le recouvrement de bonnes érections. Le mouvement de leur corps, associé à une stimulation sexuelle et un imaginaire agréable, permet de diminuer l’anxiété et d’augmenter l’excitation génitale et le plaisir sexuel. La concentration sur ses sensations et l’implication d’un mouvement volontaire du corps mettent en place des conditions favorables pour avoir de bonnes érections.
En conclusion
C’est à partir de l’évaluation des composantes et de leurs sous-composantes qu’il est possible de se faire une juste opinion de nos forces et de nos limites sexuelles et érotiques, individuelles et relationnelles. Comme le disait le Dr Desjardins : « La sexualité est complexe, mais elle n’est pas compliquée. » Elle tient compte de l’être humain dans sa globalité et elle fait partie des merveilleuses aventures humaines.
Rédaction: Nicole Audette, M.A., sexologue et psychothérapeute